Pour un travail sain, aujourd’hui et demain

Le monde du travail est en pleine mutation. Non seulement en raison d’une numérisation croissante, mais aussi du fait de l’évolution des formes d’organisation du travail et de collaboration. Le colloque de la Fédération Suisse des Psychologues a abordé ces changements sous un angle critique et fait le lien entre la théorie et la pratique. Quels sont les facteurs qui préservent notre santé au travail et quelle contribution les psychologues peuvent-ils apporter? Les intervenants, nombreux, ont tenté de répondre à cette question.

santé au travail
Le colloque de la Fédération Suisse des Psychologues qui s’est tenu à Berne. © FSP, Olivier Rüegsegger

Le titre du colloque organisé par la Fédération Suisse des Psychologues (FSP) en novembre 2018 «Pour un travail sain, aujourd’hui et demain» proposait un sujet qui intéresse nos sociétés depuis de nombreuses années et dont l’importance ne cessera de croître encore à l’avenir. Si le travail a des répercussions sur notre santé, il influence également de façon significative aussi bien la productivité que la qualité de vie. Il s’agit dès lors de déterminer dans quelle mesure ce même travail doit être une source de santé et non de maladie.

Les sujets abordés lors de ce colloque ont porté sur la gestion du stress, l’épuise­ment professionnel (burnout), les mesures de réadaptation et le plan d’action cantonal de prévention et de promotion de la santé de Genève. Le programme de l’après-midi prévoyait des sessions parallèles où les participantes et les participants pouvaient aborder une thématique de façon plus approfondie. Enfin, une table ronde est venue clore cette journée.

Une audience fournie

Plus de 160 participants ont assisté à ce colloque, où ils se sont penchés sur la contribution de la psychologie dans les interactions entre travail et santé.

Une contribution qui semble être non négligeable: «Vous êtes les piliers de la société», a affirmé dans son mot de bienvenue le conseiller d’État Pierre Alain Schnegg. Ce dernier a plaidé notamment en faveur d’une mise en réseau des prestataires de soin dans le système de santé. Être un pilier de la société: le travail des psychologues semble faire sens.

Les interventions par le menu

Theo Wehner, professeur émérite à l’EPF de Zurich, a proposé d’emblée une réflexion sur le sens du travail et amené les participants à se demander dans quelle mesure et comment le travail peut être générateur de sens. Sa conclusion est pour le moins abrupte: on est encore loin de prendre plaisir à travailler et la perte de sens semble endémique dans le monde du travail du XXIe siècle.

Homa Attar Cohena a présenté quant à elle le concept cantonal de promotion de la santé et de prévention 2030 arrêté par le canton de Genève, concept qui intègre trois aspects considérés comme novateurs et importants:

 

  1. La santé mentale est prise en considération à travers une multitude de nouvelles mesures et d’exemples,
  2. la santé en milieu professionnel constitue un axe à part entière et
  3. grâce à l’intégration d’indicateurs de perception, l’État souhaite être à l’écoute des besoins de chaque individu afin de suivre et répondre aux changements de style de vie.

 

Dans le même ordre d’idée, Esther Hartmann a démontré comment ce même concept de promotion et de prévention peut poser les premiers jalons de réflexion pour favoriser des bonnes pratiques dans le monde de l’entreprise tant sur le plan de la santé physique que mentale. Il peut servir de base théorique pour communiquer, échanger de manière positive et concrète sur des thématiques liées à la santé.

Martin Kaiser a expliqué comment, avec des moyens concrets, les employeurs peuvent apporter leur pierre à l’édifice. Mais qu’advient-il lorsqu’une maladie, un accident ou un handicap viennent compromettre le travail en pleine santé et la participation même au marché du travail? Les employeurs jouent certainement un rôle majeur dans l’intégration professionnelle. La plupart, notamment les petites et très petites entreprises, ne sont pourtant pas en mesure, dans l’immédiat, de prendre les bonnes initiatives à temps. Elles peuvent avoir besoin d’instruments pratiques et de processus simples et fiables pour que le maintien en poste ou le retour à son poste après une longue interruption pour maladie ou accident, par exemple, soit un succès. Pour que l’intégration professionnelle réussisse, il est important de sensibiliser les employeurs, mais ça ne suffit pas. Voilà pourquoi le réseau Compasso propose des services spécifiques.

Nadia Droz a présenté ensuite un bref état des lieux des connaissances actuelles en matière de burnout. Elle a exposé le modèle de lecture que sa coauteure Anny Wahlen et elle ont construit pour permettre une compréhension globale du burnout. Ce modèle est applicable à toutes les formes de ce dernier et met en évidence la combinaison de facteurs nécessaires au déclenchement d’un processus d’épuisement. Elle a également évoqué les liens entre stress chronique, risques psychosociaux et burnout. Elle a enfin proposé des pistes de prévention primaire, secondaire et tertiaire aux niveaux individuels et organisationnels.

Quant à Andi Zemp, psychothérapeute FSP, il a traité de la gestion du stress et de la résilience. La résilience désigne la capacité d’une part à gérer une crise en recourant à des ressources personnelles et sociales, d’autre part à tirer parti de ladite crise pour se développer. L’exposé vise à démontrer que la résilience est un processus d’apprentissage qui se poursuit tout au long de la vie, et qu’il repose avant tout sur les choix de vie, les attitudes et les comportements d’un individu.

Michael Doerk, professeur au Département de travail social de la Haute école de Lucerne, a clos la matinée en présentant un outil logiciel concret pour la gestion des ressources personnelles. Le modèle relax, concentrate, create, destiné à développer et à gérer les ressources humaines, est enseigné depuis plus de dix ans à la Haute école de Lucerne. Depuis 2017, les étudiants, l’ensemble du personnel des hautes écoles de Suisse et quelque 450 000 membres d’organisations suisses comme le Cern, l’Empa ou les hôpitaux universitaires ont la possibilité d’utiliser la suite logicielle en ligne (www.rcc.hslu.ch) pour mener leurs études et leur quotidien professionnel tout en ménageant leur organisme.

Les sessions parallèles: ouvrir les perspectives

Le programme de l’après-midi comportait des sessions parallèles ainsi qu’une table ronde animée par Michael Rauchenstein, collaborateur indépendant RTS Berlin et Tele 1. Au cœur des discussions: la mise en réseau, entre la psychologie et les employeurs, et la psychologie avec la politique.

Outre Nadia Droz, qui a traité dans la première session de la prévention individuelle et organisationnelle du burnout, Eva-Maria Stauffer et Veronica Vasta, toutes deux formatrices de l’association de tutelle des étudiants en psychologie de Suisse psyCH, ont dirigé un atelier bilingue consacré à l’équilibre entre le travail et le stress selon la perspective des bénévoles. Les participants ont pu y découvrir également le travail des psyCH Trainers et la manière dont ils animent leurs ateliers.

La troisième session était dirigée par Theda Radtke, de l’Université de Zurich, qui a présenté les derniers résultats des recherches en cours sur les effets de l’utilisation du smartphone et de l’accessibilité universelle de ses usagers. Conclusion: les phases de détente entre le travail et les loisirs deviennent de plus en plus courtes. La solution? On parle beaucoup de cours de digital detox, mais il n’est pas encore possible d’en mesurer tous les bienfaits.

La table ronde, enfin, a bien évidemment soulevé la question de la demande d’admission de la psychothérapie selon le modèle de la prescription médicale. Le conseiller aux États Pirmin Bischof a assuré être parfaitement au fait des pré­occupations des psychologues. Selon lui, toutefois, bien qu’ils ne soient pas isolés avec leurs revendications, les psychologues pâtiraient du fait qu’ils ne sont pas encore aussi bien établis que les médecins, présents depuis plus de 5000 ans. D’importants préjugés restent à abattre, comme l’a souligné encore Martin Kaiser, représentant de l’Union patronale suisse.

Félix Glutz, responsable d’édition, Forum Sécurité

 

Le Colloque FSP 2019

Le quatrième colloque FSP se déroulera à Ittigen (BE), le jeudi 19 septembre 2019 sur le thème: «Vieillir en bonne santé». Conférences de spécialistes, stands d’informations et diverses autres offres sont prévus au programme. L’après-midi, priorité sera donnée à la pratique avec des projets concrets présentés dans le cadre d’ateliers de travail, où les participants auront la possibilité de partager leur expérience personnelle et de poser des questions. Le colloque se terminera par une table ronde sur la politique professionnelle avec des spécialistes et des représentants politiques.

 

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