Des terroristes dans nos frigos!

Ils sont moins impressionnants et moins médiatisés que les jeunes djihadistes bardés de ceintures d’explosifs qui hantent l’actualité depuis des années mais peuvent également provoquer des dégâts considérables: ce sont les bactéries qui peuplent nos frigos mal organisés et se comportent pour certaines comme de véritables terroristes.

Rien qu’ en Suisse – pays pourtant réputé pour son hygiène –, on dénombre chaque année plus de 10’000 cas d’intoxications alimentaires provoquées par les frigos. Une réalité qui est prise très au sérieux par l’Office fédéral de la statistique et qui pourrait être ramenée à de plus justes proportions avec la mise en application de quelques règles simples et pratiques et surtout une bonne dose de bon sens. Éclairage sur une menace sécuritaire pas assez prise au sérieux à l’heure des attentats et de la cybercriminalité.

10’000 officiels sans compter les autres

Qu’on se comprenne bien! Ces quelque 10 000 intoxications alimentaires sont uniquement celles annoncées de manière officielle. Comme pour les statistiques de morsures de chiens, il faut encore ajouter à celles-ci les très nombreux cas non signalés mais provoquant néanmoins un triste cortège de problèmes de santé. La réalité chiffrée de la problématique est encore de toute évidence bien plus grave. L’Office fédéral de la santé est d’ailleurs parfaitement conscient de la situation dans notre pays, pourtant réputé pour son hygiène et son sens de la discipline.

Les privés plus coupables que les professionnels

Autre précision tout saut négligeable: la quasi totalité de ces cas proviennent de la négligence et du laxisme de privés. Les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration sont en effet beaucoup plus attentifs à ces bombes à retardement que peuvent devenir des frigos mal entre­tenus. La plupart des sections cantonales rattachées à GastroSuisse – à l’exemple de GastroVaud, GastroFribourg, GastroNeuchâtel et de la Société Genevoise des Cafetiers-Restaurateurs – dispensent en effet régulièrement des cours théoriques et pratiques sur cette thématique afin de sensibiliser concrètement les professionnels des métiers de bouche et de service sur la réalité des choses et pratiquer ainsi une véritable politique de prévention. En clair, pas question de disposer d’une patente sans connaître et appliquer les règles élémentaires d’une bonne hygiène, jusqu’aux derniers recoins de ses frigos.

Les origines du mal

De fait, les origines du mal sont aujour­d’hui connues et clairement identifiées: la négligence de trop nombreux utilisateurs de frigos, ne nettoyant pas assez régulière­ment ceux-ci et pratiquant une cohabitation d’aliments dangereuse et poten­tiellement génératrice de problèmes alimentaires.

En effet, si la plupart des produits sont parfaitement bienvenus dans un frigo, c’est leur juxtaposition qui peut poser problème et provoquer le développement de bactéries voire de véritables bombes à retardement. Et c’est alors qu’interviennent sans crier gare les intoxications alimentaires les plus pernicieuses.

En d’autres termes, le frigo ne doit pas être considéré comme une simple boîte à rangement mais comme un lieu de stock­age privilégié exigeant une hygiène ré­gulière et surtout une bonne connaissance des spécificités des produits et aliments entreposés, respectivement des températures ad hoc pour chaque cas.

Attention aux périodes cruciales!

L’expérience prouve également que certaines périodes de l’année sont plus dangereuses que d’autres, en particulier les Fêtes de fin d’année, Pâques, la Bénichon et les anniversaires et mariages. Cela s’ explique tout simplement par le fait que ces événements rassemblant de nombreux hôtes impliquent une abondance de victuailles et autres aliments. Dont plusieurs potentiellement explosifs.

Et pourtant, il apparaît tellement simple d’éviter le pire en mettant en pratique certaines règles de pur bon sens. La première d’entre elles, appliquée par tous les professionnels consiste à ne jamais, vraiment jamais, placer poissons et viandes crus à côté de mets cuits. Élémentaire, mon cher Watson!

À chaque étage sa spécificité

En un mot comme en cent, il s’agit de mettre en pratique un certain nombre de recommandations de base, en particulier:

  1. Toujours ôter les emballages en plastique et en carton
  2. Toujours laver les fruits et légumes avant de les ranger

En ce qui concerne le cas particulier des fruits de mer – très répandus lors des fêtes et événements précités –, des mesures spécifiques sont indiquées. Il s’agit notamment de procéder à une claire séparation des fruits de mer crus et des fruits de mer cuits. Les crus doivent être placés à l’étage inférieur du réfrigérateur, les cuits à l’étage supérieur.

En aucun cas, les fruits de mer crus et les fruits de mer cuits ne doivent cohabiter et entrer en contact. Les fruits de mer crus, donc vivants, ne doivent pas être mis dans une boîte hermétique et être conservés dans leur jus.

Il y va clairement de la sécurité alimentaire de votre frigo et donc de la vôtre!

Les huîtres, un régal et un danger!

Au-delà des règles de base, certains aliments exigent des précautions particulières. Tel est le cas des huîtres qui doivent impérativement être stockées à plat, la partie incurvée vers le bas, en veillant du même coup à ce qu’elles ne perdent pas leur eau.

Interrogés par nos soins, plusieurs restaurateurs font remarquer que l’idéal est de les conserver dans un local où la température se situe entre 4 et 10 degrés centigrades. Et si une telle possibilité n’existe pas, il faut choisir la zone la plus tempérée de votre réfrigérateur. Les zones ne sont en effet pas identiques selon les modèles.

Dans un remarquable dossier, nos confrères de Coopération ont récemment dispensé un très bon conseil en la matière, en l’occurrence pour connaître la répar­tition du froid dans son frigo. Il s’agit tout simplement de placer un verre d’eau à chaque étage pendant plusieurs heures puis de prendre la température en recourant à un thermomètre.

Prolonger la vie des légumes

Les frigos privés sont particulièrement prisés pour accueillir des légumes. La plupart des équipements modernes comportent d’ailleurs un ou plusieurs bacs à légumes. Parmi les conseils dispensés par les contrôleurs des denrées alimentaires, on trouve tout d’abord l’absolue nécessité d’ôter les emballages des fruits et légumes puis de les laver consciencieusement avant de les placer dans le bac.

Au-delà de ces règles bienvenues, il existe aujourd’hui plusieurs études qui multiplient les investigations pour tenter de prolonger la durée de vie des légumes. C’est notamment le cas d’un groupe de travail de l’École Polytechnique Fédérale de Zurich, bénéficiant du soutien financier de Coop.

Sans entrer dans les détails techniques, cette étude a permis de mettre au point une nouvelle méthode qui ralentit le processus d’altération des légumes, dans une optique à la fois de développement durable et de lutte contre le gaspillage alimentaire. Précision utile, la solution adoptée n’utilise pas de produits chimiques. Il s’agit en fait d’une méthode alternative, à la fois écologique et re­spectueuse des consommateurs puisque ne comprenant aucun désinfectant chimique.

Les bacilles coupables identifiés

Concrètement, les chercheurs de l’EPZ se sont penchés pendant des années sur l’univers des germes pour finalement arriver à identifier des bactéries luttant entre elles et se neutralisant de ce fait. C’est en les observant attentivement qu’ils sont parvenus à comprendre comment lutter contre les bacilles à l’origine de la détérioration des légumes et à prolonger d’autant la vie de ces derniers.

L’enjeu d’une telle recherche n’est pas à négliger si l’on observe la croissance constante de la consommation annuelle de légumes par habitant en Suisse: 57 kilos en 1980 et pas moins de 85 kilos en 2015.

Les solutions sont entre nos mains

On le constate au vu de tout ce qui précède, l’univers impitoyable des frigos privés ne demande qu’à bénéficier d’une meilleure sécurité alimentaire. Et, pour une fois pas besoin d’une nouvelle loi, de normes ou de directives officielles: les solutions, faites de bon sens et de règles simples, sont entre nos mains de citoyennes et citoyens responsables. Un défi aussi concret que passionnant.

Frigos et production durable de denrées alimentaires

Élément aujourd’hui indispensable dans tout foyer, le frigo est désormais indis­sociable d’une vision sociétale nouvelle des produits alimentaires. C’est en tous les cas dans cet esprit de responsabilité citoyenne que s’engage le World Food System Center (WFSC), très actif dans la recherche consacrée à la production durable des denrées alimentaires.

La démarche, saluée par de nombreux milieux officiels, bénéficie de plusieurs soutiens, en particulier de Coop qui apporte son appui aux jeunes chercheurs de l’École Polytechnique Fédérale rattachés aux WFSC.

Et ce soutien n’est pas à négliger: depuis 2013, l’engagement de Coop a dépassé les 5 millions de francs suisses.

More articles on the topic