Garder sa vieille voiture ou en acheter une neuve ? Si l’on regarde sous l’angle de la pollution globale, le constat devient clair : plus nous fabriquons de voitures, plus nous rejetons des substances toxiques dans notre environnement et plus nous contribuons à nuire à la biodiversité de notre planète. Garder son véhicule le plus longtemps possible est donc une contribution à la préservation de la nature en même temps qu’un acte économique qui fait sens.
Résumé Félix Glutz
Le secteur automobile constitue l’un des piliers de la politique environnementale nationale et un pan important de notre économie. Et pourtant, il n’est actuellement pas possible de connaître le nombre réel de véhicules que compte le parc automobile helvétique. En effet, la quantité répertoriée et dans les statistiques officielles ne comprend que les véhicules immatriculés, les véhicules non-immatriculés disparaissant des relevés.
En 2019, selon les professionnels de la démolition et du recyclage, plus de 60’000 voitures ont disparu des écrans. Les instances officielles ne disposent pas des outils statistiques permettant de savoir où finissent les véhicules usagés du marché helvétique.
Afin de pouvoir gérer un élément aussi important de la politique environnementale de notre pays et assurer un développement économique durable de ce segment économique d’envergure, il est indispensable que le nombre total de véhicules que la Suisse abrite soit connu. Une intervention parlementaire faisant suite à l’une des propositions ci-dessous est en cours pour obtenir le détail de ces chiffres.
Exportation de nos anciens véhicules que gagne-t-on globalement ?
Comme quelque 300’000 voitures neuves entrent chaque année en Suisse, il faut bien faire de la place! Pour ce faire, nous démolissons, nous exportons et nous recyclons.
La démolition
En moyenne, 70’000 voitures partent annuellement à la casse. Une partie de ces véhicules est détruite trop tôt, une réparation permettrait de prolonger leur utilisation. Certains professionnels et représentants du secteur automobile affirment que lorsqu’une berline part au rebut, elle est vraiment au bout de sa vie. Il suffit de visiter un centre de démolition pour constater que c’est inexact. Sous couvert d’un recyclage efficace, nous avons tendance à détruire un peu trop facilement. En fait, nous générons un gaspillage de véhicules qui se voient détruits alors qu’ils sont réparables. A noter que la notion de fin de vie diffère d’un pays et d’un continent à l’autre. Dans nos pays occidentaux, nous sommes tellement habitués au tout jetable qu’un objet quel qu’il soit obtient rapidement cette étiquette.
L’exportation
Les véhicules en état de marche mais trop âgés pour circuler chez nous, partent à la conquête d’autres horizons. Pour la plupart, c’est sur le continent africain qu’ils continuent à faire voyager de leurs usagers. Ils sont en moyenne annuelle 150’000 à finir leur carrière dans des pays exempts de contrôles périodiques. Des contrées où de toute évidence ils continuent à polluer, et bien plus que s’ils étaient resté ici. Cette façon d’aborder la gestion de nos engins à quatre roues n’est pas concluante, car en réalité la situation globale s’en trouve aggravée.
Graphique Exportations voitures (HALTE page 53)
Une nouvelle vie en mode simplifié
Arrivées dans leur nouvelle patrie, nos voitures aux technologies intelligentes se voient dénudées de leurs systèmes électroniques. Les mécaniciens locaux, habiles et ingénieux, parviennent malgré cette mutilation à leur offrir une nouvelle. Voir à ce sujet le reportage de Temps Présent sur RTS1 via le lien suivant : https://pages.rts.ch/emissions/temps-present/9292673-temps-present.html
Le recyclage
Les milieux automobiles indiquent que 95 % d’une voiture est recyclable. Mais ce chiffre tient-il compte des véhicules exportés vers des pays non-équipés et non-organisés pour recycler en bonne et due forme ?
Dans les faits, ces centaines de milliers de voitures échappent au recyclage. Formellement hors contrôle, elles disparaissent dans la nature et finissent on ne sait où. Cela conduit à une perte conséquente en matières premières.
Il est important de préciser que ce chiffre correspond à 95 % du poids du véhicule (soit essentiellement les métaux) et non pas aux 95 % du nombre d’éléments le constituant. Ce qui signifie qu’en réalité les composants synthétiques notamment partent en décharge (en Suisse sous forme de scories). Et ces déchets ont un impact négatif sur l’environnement. De plus recycler, c’est transporter, transformer, fondre, etc. Donc cela nécessite de l’énergie et des procédés chimiques. Cela dit, recycler reste important car on évite ainsi l’extraction supplémentaire de nouvelles matières premières, une phase de la fabrication des véhicules qui revêt une part conséquente de l’impact écologique global. Toutefois, la solution n’est pas de recycler le gaspillage, mais de réduire la quantité d’objets fabriqués.
Quelle politique pour endiguer le gaspillage automobile ?
Dans un univers intelligent, il ne peut y avoir de gaspillage. Et dans la situation que nous connaissons, l’intelligence réside dans le fait de réduire la quantité. Dès lors, la responsabilité première des politiques est de légiférer pour éviter le gaspillage. Pour le secteur automobile, cela veut dire inverser la tendance actuelle, soit et encourager la population à utiliser son véhicule le plus longtemps possible et en favoriser l’achat de voitures d’occasion plutôt que des neuves.
Un programme cohérent
Au-delà du constat, on découvre dans le livre « Halte au gaspillage automobile » dix propositions concrètes pour endiguer le gaspillage automobile, dont voici quelques exemples parlants :
– Répertorier et introduire les véhicules non immatriculés dans les statistiques officielles du parc automobile national. Ceci donnera aux instances politique une clairvoyance et une vue globale sur la réalité. Elles seront ainsi à même de procéder à un état des lieux sérieux du marché.
– Réguler voire stopper les exportations de voitures usagées afin qu’elles finissent leur vie ici dans des conditions optimales. Cette mesure a également l’avantage de garantir un recyclage en bonne et due forme de l’ensemble du parc automobile.
– Créer les conditions cadres pour favoriser, faciliter et généraliser la récupération de pièces avant la démolition des véhicules et ainsi générer la création d’un marché national de pièces détachées d’occasion. Ce marché restreindra l’envoi à la démolition de pièces automobiles en état de fonctionnement et favorisera un recyclage affiné, donc plus performant et plus efficient. De nouveaux emplois s’inscrivant dans l’économie circulaire verront ainsi le jour.
– Accorder une défiscalisation des réparations pour soutenir les citoyens, entreprises et sociétés qui contribuent à l’usure du parc automobile. Cette forme d’exonération fiscale créera de l’emploi local, soit de la main-d’œuvre fiscalisée, ce qui assure un retour sur investissement pour l’État.
A noter que la première mesure ci-dessus a déjà fait son entrée sous la Coupole fédérale à travers une motion parlementaire déposée au sein du Conseil des Etats en juin dernier. Les discussions auront lieu cet automne.
Soutien à l’économie locale et circulaire
Ces mesures, outre le fait d’enrayer le gaspillage automobile, ont pour effet de soutenir l’économie locale. De plus, elles tonifient la mise en place d’une économie circulaire, d’où l’apparition de nouvelles formes d’entreprises et d’organisations aussi bien économiques qu’entrepreneuriales.
Élargir notre champ de vision
Le fait de garder ces nuisances « chez nous », aidera la population à saisir l’importance de reconsidérer notre mobilité individuelle. L’État, quant à lui, plutôt que de simplement nous inviter à changer de voiture pour éviter la surcharge de pollution de nos rues, sera davantage enclin à pousser la réflexion plus loin et à devenir plus créatif, notamment en termes d’organisation urbaine et urbanistique de nos villes. Les zones piétonnes et cyclables y gagneront en sympathie, de même que les transports urbains et le rail.
Avec un tel programme, nous prendrons non seulement soin des peuples impactés par nos politiques actuelles, mais nous prendrons également soin de nous-mêmes. Et de plus, nous cultiverons le fait que prendre soin de nos objets, c’est prendre soin de nos propres vies !
L’auteur: Lucien Willemin, conférencier et auteur de plusieurs ouvrages offrant un élargissement de vue en matière d’environnement et déconstruisant des idées reçues. « Halte au gaspillage automobile. Prenez soin de vous, achetez d’occasion ! », publié aux Edition d’en Bas, ouvre une vision différente de la voiture et de la question climatique.
Site : www.lucien.lu
Pour améliorer le climat, nous gaspillons des voitures
La focalisation climatique nous incite à changer régulièrement de voiture afin d’économiser de l’énergie et réduire les émissions de CO2. Ainsi pour diminuer la consommation d’énergie, nous augmentons la consommation de véhicules. Résultat, nous gaspillons des voitures !
Or le gaspillage est connu pour n’être bon ni pour le climat, ni pour l’environnement, ni pour la biodiversité !
De plus, la fabrication d’un véhicule génère une pollution chimique qui, contrairement au CO2, ne peut pas être compensée à l’utilisation. En effet, les dégâts causés par les substances toxiques envoyées lors de la fabrication dans l’eau, l’air et les sols sont irréversibles. J’ai donc beau parcourir des millions de kilomètres avec la même voiture, je n’arriverai jamais revenir en arrière.
Ainsi plus nous fabriquons de voitures, plus nous empoisonnons le vivant et plus nous effaçons la vie à la surface de la Terre ! Ce constat est un fait scientifique et non pas une opinion.
Environnement et économie locale concernés par le gaspillage automobile
Dix personnalités suisses reconnues pour leur expertise dans les domaines du climat, de l’environnement, de la sociologie, de l’économie et des droits humains soutiennent les mesures concrètes proposées dans le petit livre HALTE et demandent à nos instances gouvernementales de s’en inspirer pour que cesse la surconsommation automobile. Une régulation à ce niveau est indispensable.
Deux cent garagistes suisses ont signé une interpellation fédérale pour que le parc automobile d’occasion national soit valorisé et que les véhicules non-immatriculés soient officiellement comptabilisés. Le but de leur démarche est de rendre discernable le surplus de véhicules sur sol national, excédent qu’ils ont à financer et qui pèse sur le fonctionnement économique de leurs entreprises. Financièrement, ce sont en effet des milliards qui sont immobilisés sur les parkings de ces PME et qui, de surcroît, perdent chaque jour de leur valeur marchande.